dimanche 11 mars 2012

Kesra 02-2012




On revient à kesra avec des modèles et des idées plein la tête et on pense déjà aux tapis de chiffons que nous avons mis au point pour qu’ils soient grâce à la méthode de Chahida une des meilleures surprises de notre exposition
Préalablement on a pris contact avec une usine de confection qui nous a gracieusement rempli le grand coffre de notre voiture de quelques dizaines de kilos de chutes de tissus dont les couleurs et les matières nous laissent espérer le meilleur effet
Nous voilà donc sur la route remplis de joyeuses certitudes .Les paysages sont magnifiques dès El Fahs ; entre El Fahs et Siliana nous découvrons une superbe demeure coloniale abandonnée que nous visitons et photographions dans tous les sens
Entre Siliana et Kesra en grimpant par la petite route de montagne nous découvrons un paysage anachronique  et surprenant : brume, petits lacs, forêt et petits bois ,le tout agrémenté de grandes plaques de neige qui nous donne l’impression de nous balader dans une carte postale des alpes suisses ..Nous sommes de plus en plus joyeux et amoureux de ce village que nous allons bientôt atteindre.
On nous a réservé un logement chez l’habitant, un rez de chaussée de maison assez sommaire mais notre enthousiasme plus les couvertures et le burnous, que nous avons pris la précaution d’emporter, suffisent à compenser l’absence de chauffage par ce froid glacial
Nous allons au plus vite voir Chahida , pressés  de lui montrer nos chiffons ,sures d'avance de son émerveillement et de son plaisir à nous voir revenir avec du travail pour elle pour plusieurs mois et à terme la possibilité de se développer «  grâce à son savoir- faire ancestral  et jusque- là peu productif de richesse «  
Elle nous accueille chaleureusement  mais semble néanmoins déjà un peu dubitative face au travail à réaliser ;elle nous donne rendez-vous le lendemain matin pour acheter les fils qui lui permettront de monter le métier à tisser qui dans notre esprit avait été préparé en attendant notre arrivée annoncée depuis une quinzaine de jours ;  Achat des fils le lendemain dans l’épicerie « caverne d’Ali Baba » où s’entassent pèle mêle du sol au plafond produits ménagers ,légumes secs, maquillages fluos, vaisselle, encens, verres de lampes, bassines, bonbons chimiques et bien sur toutes sortes de fils destinés à la trames des tissages
Nos provisions sous le bras nous remontons non sans mal vers le haut du village ;nous vidons le coffre des quelques 50kg de chiffons et les transportons avec l’aide de quelques gamins vers la maison de Chahida ;sur notre passages quelques femmes ,intriguées, nous interrogent, nous espérons qu’un jour elles viendrons grossir les rang de l’équipe que Chahida ne manquera pas de constituer et d’encadrer dans l’avenir
Mais voilà !! Les chiffons ne sont pas coupés, et Chahida n’a pas de ciseaux assez performants pour lui permettre de franchir cette étape qui de toutes façon, nous dit-elle, prendra beaucoup de temps. nous lui suggérons de se faire aider par quelques autres, impossible, selon elle, personne à priori  n’acceptera, parce que c’est un travail trop difficile et trop fatiguant..
Nous commençons à réaliser que notre vision quelque peu romantique du terrain aura du mal à franchir les frontières de la réalité au-delà de nos espaces feutrés de la banlieue nord.
S’en suit une quête infructueuse de forgerons dans le village en mesure de rendre les ciseaux de Chahida opérationnels, puis un déplacement jusqu’à Makthar (25km) à la recherche du précieux et indispensable outil ; l’article n’existant pas dans notre épicerie bazar de Kesra.
Il n’y-a pas de ciseaux non plus à Makthar, nous ne revenons cependant pas bredouilles, nous avons fait l’acquisition d’une splendide bassine jaune de 100 litres qui nous servira de baignoire pour le reste de notre séjour –la maison qui nous accueille est dépourvu de salle de bains-
Au matin du 3ème jour nous n’avons guère avancé sur les ciseaux, le métier  à tisser n’est toujours pas monté, néanmoins l’espoir reprend quand Chahida nous présente 2 de ses copines prêtes à couper les chiffons moyennant finance. Combien ? 10 dinars le kilo, l’espoir s’amenuise ; négociations, explications, calcul du prix de revient du produit qui serait dans cette hypothèse rédhibitoire et rendrait nos tapis tout simplement invendables. Tout cela prend une bonne partie de la journée, l’autre consistant à montrer  et expliquer nos maquettes et mettre au point l’adaptation de nos modèles à la technique. Nous rentrons dans notre « sweet home » glacial, un peu dépités et nous commençons à nous dire que malgré notre passion pour ce village magnifique, nous n’arriverons peut être pas à quelque chose de très constructif si la communication ne s’améliore pas entre nos amies les artisanes et nous. Outre la question du prix, des difficultés probables à tenir les délais qui nous sont impartis, nous ne sentons pas d’adhésion à notre projet immédiat, encore moins à un projet plus important allant dans le sens du développement du village voir de la région. Le lendemain Chahida et ses deux copines auxquelles s’est joint une quatrième nous disent être prêtes à travailler, nous nous mettons d’accord sur les prix après avoir encore expliqué notre vision du projet et nos ambitions pour les artisanes d’améliorer leurs conditions de vie et pour l’artisanat de reprendre à Kesra. Le courant semble rétabli, tout le monde est souriant jusqu’à ce que se pose la question de l’acompte ; nos amies nous demandent à ce titre la totalité du prix de la commande ; nous ne pouvons l’accepter  n’ayant aucune visibilité sur la réalisation future. Nous comprenons que leur seul souci est de faire face, grâce à cet acompte à des besoins immédiats et urgents. Sans cela nous disent- elles, elles ne travailleront pas. Fin de l’histoire, nous ré-embarquons nos chiffons. Aucune animosité cependant au moment de se dire au revoir, elles nous souhaitent bonne route et paraissent même soulagées de ne pas avoir à modifier leur rythme de vie et leurs habitudes.  L’hypothétique espoir de se développer grâce à leur savoir-faire semble leur être totalement indifférent. Leurs besoins ? « Dieu y subviendra ».
-          « de quoi je me mêle ? »
-          « pourquoi m’acharnerai-je à vouloir faire se développer des gens qui n’en ont pas envie ? »
Voilà les réflexions qui nous assaillent dans la voiture en prenant la direction du village des artisans du Kef où nous avons décidé de finalement transporter nos chiffons.

Nous avions tout simplement brulé plusieurs étapes incontournables ;un jour nous retournerons à Kesra et nous serons alors capables de nous "méler" efficacementdu développement dans ce village.
Entre temps ,forts de ce que nous aura appris cette expérience et celles qui suivrontnous aurons été capables de nous développer nous mêmes pour mener jusqu'au bout notre très ambitieux projet.


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